DÉMARCHE
Diane Laurier
Je conçois ma pratique artistique en tant que principe de vie, acte de présence au monde et mode de connaissance. Concevant mon travail comme territoire de recherche, ses grands axes, liant l’art à la vie dans une perspective existentielle, explorent mon désir de rendre visible l’invisible en arts visuels par l’établissement de relations entre les deux pôles que sont celui de la matérialité, c’est-à-dire les réalités composants le monde physique, et l’immatérialité, soit l’idée ou l’esprit auxquels ils font référence.
C’est principalement par le biais d’une action, celle du geste photographique, que j’interroge le regard que je pose sur l’horizon du monde pour témoigner des effets que celui-ci produit en moi. Le résultat visuel émanant de mes déambulations se manifeste par le biais d’installations. Dans ces espaces, on y trouve une esthétique de l’épurement où des réalisations à la fois bi et tri dimensionnelles s’organisent en fonction du thème investigué. Ce thème, issu des événements et de prises de conscience, émane du quotidien de mon existence.
Ma pratique bidimensionnelle se manifeste par l’addition de gestes dialogiques, fondamentaux et complémentaires: la photographie et la couture. Le geste photographique me permet de capter dans l’instant ce qui m’interpelle dans le monde des réalités naturelles. Il me permet également d’accumuler un nombre incalculable de données que je sélectionne minutieusement et imprime ensuite sur un support papier. Celui de coudre lui succède lorsque je perce le papier à l’aide d’une aiguille et que, par la suite, un fin travail de couture s’amorce. Pour mieux saisir les lignes de force de l’œuvre photographique, ces traits de fils cousus à même le papier dessinent, traversent et ponctuent son épaisseur.
Bien au-delà du potentiel descriptif que renferme le cliché photographique, l’image numérique est investiguée pour sa capacité à s’exercer dans l’instant afin d’évoquer l’expérience brute et sensible qu’opère la vue alors qu’elle se pose sur des surfaces, des textures, des matières composant le monde. Le cliché ainsi capté dépasse la représentation anecdotique et reconnaissable du réel pour devenir composition abstraite, espace philosophique voir méditatif. Ainsi, le réel du monde extérieur rejoint l’imaginaire de mon intériorité.
La couture, geste lent, répétitif et s’opérant dans la durée, s’oppose ainsi à celui de la photographie. Il témoigne notamment de mes préoccupations féministes en revendiquant le geste de coudre, geste humble maintes fois répété par des générations de femmes, comme geste artistique.
Ma pratique tridimensionnelle complète celle bidimensionnelle. Souvent, elle s’inscrit dans la filiation des gestes maintes fois répétés reliés au savoir-faire artisan. Ainsi, il m’arrive de les revisiter en les actualisant de manière inusité. C’est notamment le cas pour les techniques du tapis tressé exploré en utilisant comme matière première les pages de mes écrits renfermant toutes les projets artistiques en devenir ou encore celui du procédé du vitrail pour lequel les vitres colorées sont données à voir par superposition plutôt que traditionnellement par énumération. Parfois, cette pratique tridimensionnelle consiste en la sélection d’éléments naturels que j’organise par le biais de procédés d’assemblages liant lesdits éléments avec divers fils ou cordages noués. Encore ici, les gestes effectués relèvent de procédés s’apparentant à celui de la couture. Ces montages sont souvent suspendus ou disposés à même le sol. Ils s’inscrivent en correspondance avec les œuvres bidimensionnelles formant de la sorte un tout articulé autour d’une même idée.
Finalement, ma pratique en est une que je qualifierais du détournement dans le sens que je deviens ce que je regarde. Et le paysage est parfois si vaste à l’intérieur qu’il se transforme en une partie de l’univers. Je m’adonne à penser qu’une partie de l’univers se trouve dans l’œil de celui qui l’observe où microcosme et macrocosme se confondent.